Aussi floue soit-elle, la notion de sarkozysme a au moins une caractéristique ferme : son orientation négative. Théorisé et employé par ceux qui s’opposent aux errements médiatico-ploutocratiques du gouvernement actuel, le sarkozysme désigne… tout ce qui irrite dans la politique et le comportement de Nicolas Sarkozy. De Mona Cholet à Olivier Duhamel, le sarkozysme, c’est tout ce qui fait que ça n’est pas (ou plus) possible…
Personne ne songerait à donner à ce concept mou un contenu positif, à en faire un « -isme » véritable, sur le mode du gaullisme, du communisme ou du libéralisme.
Si le « ségolénisme » était revendiqué par certains, l’UMP, même en pleine campagne, n’avait jamais eu l’idée saugrenue de nous vendre le « sarkozysme ».
Mais la force de l’habitude qui émousse le sens critique le plus affuté, l’accumulation du grotesque, la servilité de certains courtisans ministres, et l’extension sûre et tranquille d’une certaine forme d’avilissement mental est finalement venu à bout de ce reste de pudeur. Et le sarkozysme en est venu à être consacré pour de bon comme une notion politique valable, défendable, pleinement conceptualisable. Un jour, elle passera dans les livres de classes (la plupart étant aux mains d’éditeurs sarkozystes).
L’acte de naissance du concept de sarkozysme positivement conçu porte la date du 17 juillet 2008. Cet acte se résume à un article assez pauvre -et plein de cette indignation qui finit par être fatigante à force d’être jouée- publié par Xavier Darcos dans le Monde, et intitulé « Le sarkozysme est l’allié de l’école« .
Voilà. Le sarkozysme doit désormais s’entendre comme l’ensemble doctrinal formé par les actions et la pensée de Nicolas Sarkozy. Et il aura fallu que cette consécration conceptuelle fût menée à bien par un type qui se pique d’écrire sur Tacite, l’auteur latin qui, plus que tout autre, avait consacré sa vie à pourfendre la servilité crasseuse des valets du pouvoir impérial. On voit mal comment l’on pourrait se courber davantage pour lancer une flatterie qu’en faisant du nom du puissant du jour un mode d’être et de pensée.
J’ai beau parcourir Saint-Simon, personne n’avait osé conceptualiser le louisquatorzisme ou de louiquinzisme. Et pourtant, la cour versaillaise en connaissait un rayon, en matière de courbettes. Monsieur Darcos, lui, nous explique que:
Au fond, en dépit des caricatures entretenues par une minorité marginale, la France commence à comprendre que le sarkozysme est le meilleur allié de la cause de l’école.
Une fois passée la surprise ressentie face à cette affirmation un tantinet optimiste, jetons donc un coup d’oeil à l’article rédigé par le fabricant de concepts de la rue de Grenelle et essayons de nous instruire en comprenant ce qu’est, pour monsieur Darcos, le sarkozysme.
La chose n’est pas facile, tant l’article est embrouillé. Mais l’on peut penser que le sarkozysme, dans cet article, correspond aux options politiques directement attribuées à Nicolas Sarkozy par notre brillant ministre.
L’article mentionne à trois reprises de façon directe la Pensée de Notre Président :
1. Le monde enseignant est militant, facilement réactif, mais c’est lui qui conjure la fatalité sociale. Le projet éducatif de Nicolas Sarkozy a la même ambition. En affirmant la nécessité de donner plus à ceux qui ont moins, en n’hésitant pas à rompre avec des principes et des pratiques obsolètes, en rétablissant les valeurs du travail, de l’effort et du mérite, le président a réconcilié le projet politique et le projet scolaire autour d’une même vision du progrès partagé.
2. Aussi la personnalisation de l’enseignement voulue par Nicolas Sarkozy est une véritable révolution pédagogique et sociale, puisqu’elle permet de donner plus à ceux qui ont moins.
3. En rappelant que le vrai progrès social est celui qui assure la réussite de tous sans exception, Nicolas Sarkozy a levé le tabou d’une école qui a trop longtemps fermé les yeux sur ses échecs.
En bonne logique, on arrive aux conclusions suivantes. Le sarkozysme, selon M. Darcos, c’est :
- donner plus à ceux qui ont moins
- rompre avec des pratiques obsolètes
- personnaliser
- assurer la réussite de tous
- lever les tabous
Intéressante synthèse, qui mériterait d’infinies discussions, mais qui se résume finalement aux mots d’ordre mille fois assénés durant la campagne par à peu près tous les partisans UMP.
Était-ce vraiment la peine d’en faire tout un plat, et de prétendre transformer tout cela en corps de doctrine?
Décidément, le sarkozysme positif n’est pas encore un concept.
Tout juste un slogan…